Paysage et pensée – Au premier regard les images de Skadi Engeln ne montrent que des paysages

 

Dans la série actuelle, «Störbilder» (images perturbées) de Skadi Engeln les paysages apparaissent comme troublés par un rideau ou un voile. Ils sont nés d`un processus évolutif. Après que l‘artiste n`ait plus été d‘accord avec sa première version, elle cherchait un moyen de s`approcher a nouveau du thème du paysage. 

Ses images actuelles naissent dans une époque où la vision romantisée de la nature et son interconnexion avec l’homme paraissent problématiques. Au printemps 2011, la catastrophe nucléaire de Fukushima rappelle à  l‘humanité avec évidence, la leçon terrifiante qui aurait déjà dû germer avec l‘incendie du réacteur de Tchernobyl il ya 25 ans : l‘énergie nucléaire n‘est pas contrôlable. Le démon déchainé de l‘atome libéré ne peut être contraint dans son flacon. L‘utopie d‘un Perpetuum Mobile de l‘approvisionnement en énergie n‘est plus qu’un mirage terrifiant.

Il semble problématique à l‘artiste, devant cette situation historique contemporaine, de continuer à interpréter le paysage de la même manière que dans sa peinture des années précédentes. Comme avant, les photographies servent de modèles pour ses tableaux. Mais une vision sans fracture sur les évènements actuels ne lui semble plus appropriée. Les paysages du Berry, qui fournissent le point de départ pour les travaux de petits et de grands formast, n‘ont en effet rien perdu de leur beauté. Pourtant un conflit virulent s‘inscrit au printemps 2011. Remarquera-t-on dans l’hémisphère occidental les résidus radioactifs de la catastrophe nucléaire du Japon lointain? Quelles seront les conséquences de la radioactivité libérée? Il s‘avère que la foi humaine dans le progrès n’accepte pas l‘équilibre harmonieux des cycles naturels, n‘en estime pas la valeur.

Dans les travaux précédents de Engeln peut se lire une vision romantique du paysage. L‘artiste  recherche les aspects transcendants du paysage. Désormais le peintre trouble cet aspect quand elle montre des images comme voilée par un rideau. Des stries irrégulières semblent s´être couchées sur l‘image, une brume colorée obscurcit les champs, les arbres et les sentiers. Jamais les représentations de Engeln n’ont pointé sur l‘apparence superficielle du paysage. Elle à toujours essayé de saisir les aspects auquels s’intéréssaient les romantiques : le paysage comme le symbole d‘une création basée sur l`harmonie, comme une image miroir de l‘âme transcendante. Ce que seront les conséquences de Fukushima n‘est pas déterminable. En revanche il est certain que, même dans le paysage européen, qui est aujourd`hui la thématique essentielle de Skadi Engeln, se retrouveront des traces de l‘accident asiatique.

Par ailleurs, la vision romantique du paysage est déjà obsolète, du moins en Europe. Les falaises de craie, où le randonneur de Caspar David Friedrich se posait, étaient déjà une attraction touristique en  leur temps. Aujourd‘hui, toute la côte méditérranéenne, qui pendant des siècles a été un des lieux nostalgiques pour la classe bourgoise instruite européenne, se retrouve maintenant obstruée par des batiments touristiques. Les autoroutes ouvrent chaque dernier carré d‘une région, que déjà les Romains terrorisaient avec les déboisements pour la construction des navires. Les services du Cadastre assurent que les sommets des Alpes sont négociables, ainsi que les îles frisonnes en Allemagne.

De ce fait, il n´y a plus d‘espace en Europe pour la conception naïve d‘une nature intacte, vision idéalisée de la création merveilleuse de Dieu. Par conséquent, les images actuelles et antérieures de Skadi Engeln, malgré leur sujet concret, se lisent plûtot comme des métaphores. Il ne s´agit pas d‘une vue sur les arbres, les graminées vierges, mais de la possibilité d’une reconnaissance du Plan pas encore complètement détruit, qui se tient peut-être derrière le tout.

Par Richard Rabensaat